Les braises scintillaient au cœur des bûches craquantes qui se fendaient en deux. Elles faisaient rougeoyer les pierres mises autour d'elles pour soutenir le bois.
Et lorsqu'elles venaient se repaître d'une bûche, elles tentaient dans un sursaut d'atteindre les mains grasses et gelées des soldats.
« Ah ! Du feu ! Vite, souffle près du foyer ; que ces jolies petites flammes me réchauffent le corps comme une jolie donzelle serait le faire ! »
Le campement de fortune commençait à prendre forme. Les tentes de campagne s'installaient, les chevaux étaient mis en sûreté, de même que les munitions et les équipements. Même de nuit, à trois heures du matin ; l'armée du Maréchal Garithos progressait.
« La ferme de Dalson est aussi flétrie que toutes les autres. Dès que nous approchons d'Andorhal, nous ne trouvons rien de plus que la mort. Dans combien de temps arriverons-nous à la capitale, qu'on en finisse ? »
- « Cesse donc un peu de geindre comme une truie. S'qui importe, c'est qu'avec l'aide des elfes et des nains, nous arriverons bientôt à reprendre ce putain de royaume. Hé ! Lohen ! Viens donc avec nous ! »
L'homme finit de tirer par les chevilles un soldat mort avec deux flèches noires dans le torse. Il l'amenait près d'une fosse commune, mais, avant d'y jeter le cadavre ; il se plaça au-dessus de lui, la lame déposée sur le front.
Il attendit que le corps sans vie du fantassin se secoua, comme s'il venait d'être prit de spasmes, et que ses membres se désarticulent et que sa peau ne flétrisse.
La transformation se faisait rapidement, et il serra davantage son emprise sur la poignée de son glaive.
La chose continua de remuer avant que ses yeux vitreux ne s'ouvrent, et qu'elle laisse échapper un cris strident, jusqu'à ce que la lame ne traverse son front sans un bruit.
Il poussa du pied le soldat dans la fosse, et se retourna vers le groupe près du feu de camp. A cette époque, Lohengrin était dans la trentaine. Affaibli par la guerre, les marques d'un monde nouveau se déposaient déjà sur son corps, avec des joues creuses et des cicatrices terrifiantes sur le cou.
« Ce pauvre gamin n'avait que dix-huit ans, bordel. »
Les autres restèrent muet. Rien d'un tel acte ne semblait avoir interpellé qui que ce soit dans le bataillon, chacun s'occupant des choses qu'il avait à faire, et souvent leurs tâches coïncidaient a trouver un rat qui n'était pas pestiféré, bon pour le ragoût.
« Ne faites pas la même erreur que lui. Personne ne part pisser seul, même à trois mètres du campement, j'en ai marre d'enterrer mes gars ! C'EST CLAIR ? »
Thoros, Marcus et Caledan répondirent la même chose :
- « Oui Caporal.»
Hormis Marcus, qui s'était retrouvé en Lordaeron par le travail de son père, marchand de bons vins tirassiens ; les soldats étaient des natifs du royaume. Thoros, boucher du bon bourg de Brill, et Caledan, fermier du Noroît.
Ils avaient survécus comme il fallait le faire à cette époque : rejoindre des soldats en cours de route et être bien chanceux, ou voler et tuer pour pouvoir obtenir cette chance.
Cela faisait maintenant plus de six mois qu'ils étaient sous les ordres de Lohengrin, suivant l'armée du Maréchal là où celui-ci décidait qu'elle aille.
« Buvez un coup et reposez-vous. D'ici peu, le Prince Kael'Thalas et son armée nous rejoindront. »
- « Ouais, ils le feront quand la guerre sera finie », s'exclama Thoros.
« Mesure ton langage, soldat ! Les Quel'Doreï sont un peuple noble et fier. Et tu ne trouveras pas meilleur sorcier dans tous les sept royaumes que chez-eux ! Allez, dormez maintenant. Je vous réveillerai dans trois heures. »
Les dernières patrouilles se mettaient en place et le calme commençait a régner peu à peu dans le campement. L'on pouvait entendre le hurlement des goules par-delà les montagnes, et Lohengrin observait ses hommes, se jurant qu'il allait les maintenir en vie.
Triste monde, drôle de Prince...